Lévitation ? Pas vraiment. C’est par la concentration que Claude Frasson
parvient à soulever cette balle, mais grâce à l’intermédiaire d’un
amplificateur et d’un récepteur d’ondes bêtas émises au cours de l’activité
neuronale.
Par sa seule concentration, Claude Frasson parvient à
faire léviter une petite balle de styromousse placée à un mètre et demi devant
lui: plus il se concentre, plus la balle s'élève, soulevée par un léger jet
d'air. Il réussit même à en orienter le déplacement sur un parcours semé d'embuches.
Mais, pour y arriver, il a mis un casque qui amplifie ses ondes cérébrales et
les dirige vers un récepteur programmé pour répondre aux ondes caractéristiques
de la concentration, soit les ondes bêtas.
«Cet appareil
sert à exercer sa concentration et ainsi à atténuer son stress», dit le
professeur du Département d'informatique et de recherche opérationnelle.
L'appareil en question pourrait donc aider les personnes dont le niveau
d'anxiété freine l'apprentissage ou ferme l'accès à l'information apprise.
«En situation
de stress, poursuit Claude Frasson, le système réticulaire se bloque:
l'hippocampe, qui est la zone de la mémoire, ne reçoit plus les émotions de
l'amygdale et nous ne pouvons plus accéder au contenu de notre mémoire. C'est
ce qui peut expliquer le trou de mémoire à un examen stressant même lorsqu'on a
bien étudié.»
Pour le
chercheur, si les émotions sont la clé qui donne accès à la mémoire, c'est
aussi dire qu'elles sont essentielles à l'apprentissage. «On ne peut apprendre
sans émotions, qu'elles soient positives ou négatives, affirme-t-il. Ce sont
elles qui impriment les évènements dans notre mémoire.»
Les travaux du
professeur Frasson en intelligence artificielle visent à élaborer des systèmes
tutoriels intelligents qui intègrent la dimension émotionnelle de
l'apprentissage. Son équipe interuniversitaire, réunie au sein du laboratoire
HERON (Higher Educational Research on Tutoring Systems), est reconnue comme
l'une des pionnières dans le domaine.
En situation de stress, l’étudiant éprouve généralement plus de difficulté
à accéder au contenu de sa mémoire.
Joie, peur et colère
Si les émotions
favorisent l'apprentissage, il y a lieu de se demander lesquelles sont les plus
propices à cette fonction. C'est ce qu'a cherché à savoir Ramla Ghali dans ses
travaux de maitrise dirigés par le professeur Frasson.
Avec un
tutoriel d'apprentissage d'une langue seconde pouvant susciter des émotions de
joie, de peur et de colère, elle a mesuré l'amélioration obtenue dans
l'apprentissage du vocabulaire en fonction de chacune de ces émotions induites.
L'expérience a été réalisée auprès d'un groupe d'une quarantaine d'élèves âgés
de six à huit ans dont un groupe témoin qui n'a été soumis à aucun stimulus
émotionnel.
Chez le groupe
témoin, les mesures d'apprentissage montrent une amélioration de l'ordre de 2
par rapport au prétest alors qu'elle atteint une moyenne de 4 pour les élèves
chez qui on a induit des émotions. Mais, contrairement à ce qui était attendu,
il y a eu une amélioration de l'apprentissage quelle que soit l'émotion
engendrée. Même la peur et la colère, provoquées à faible intensité par une
voix autoritaire et de la musique appropriée, ont donné de meilleurs résultats
qu'une absence d'émotion!
L'étudiante a
aussi classé les élèves en trois catégories selon le type de tempérament révélé
par des tests de mesure comportementale afin d'observer quelle stratégie
émotionnelle convenait le mieux à chacun des types. Les résultats montrent que
la stratégie la plus efficace est celle de la peur contrôlée pour les élèves au
tempérament résilient (intelligents et sans trouble du comportement), celle de
la joie pour les enfants plus réservés et qui ont tendance à intérioriser les
problèmes, et celle de la colère pour ceux qui présentent des troubles
extériorisés du comportement.
C'est la peur
qui s'est avérée l'émotion la plus efficace, avec un indice d'amélioration de
l'apprentissage de 4,6.
Apprendre à
apprendre
«Selon que les
enfants sont délicats ou agressifs, les stratégies d'apprentissage ne doivent
pas être les mêmes, souligne Claude Frasson. La peur contrôlée fonctionne avec
des enfants résilients parce qu'il faut parfois les réveiller et les mettre en
mode bêta moins. Si l'enfant est déjà excité, la peur va produire du stress et
des ondes bêtas plus, ce qui bloquera l'apprentissage.» Avec l'enfant plus
réservé, la joie et le renforcement positif seront suffisants pour motiver son
désir d'apprendre.
«Notre approche
permet d'apprendre à l'enfant comment bien apprendre grâce à la maitrise de ses
ondes cérébrales, mentionne le chercheur. Cette méthode pourrait être utile à
tous les enfants et plus particulièrement à ceux qui ont un déficit
d'attention.»
Ces travaux ont
été présentés au colloque «Technologies de l'information et de la communication
pour l'enseignement», tenu à l'Université de Nancy en décembre dernier. La
communication de Ramla Ghali s'est classée première dans sa catégorie.
Daniel Baril
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire