mardi 26 juin 2012

Et si pour changer l'Ecole, il fallait changer de société ?


Les rythmes scolaires par-ci, les rythmes scolaires par-là, tout le monde n’en a plus que pour ces fameux rythmes scolaires. Chacun y va de sa petite idée, de sa prise de position. Il y a d’abord les sceptiques qui affirment que ce débat n’entrainera que des changements en surface et qu’on laissera les problèmes là où ils sont, comme si pour faire plus propre on enfouissait les saletés sous le tapis. Il y a aussi ceux qui pensent que c’est le problème majeur et que si la question est bien traitée, cela permettra de rendre l’école plus vivable pour nos enfants (à condition qu’on ne se soit occupé que d’eux dans nos débats) et, par voie de conséquence, cela entrainera une amélioration des résultats scolaires : moins fatigués donc plus concentrés d’où plus de réussite. Enfin, il y a ceux qui pensent que la question des rythmes scolaires doit être abordée conjointement avec celle du contenu des programmes scolaires, et donc de la finalité de l’école. Nous nous plaçons parmi ceux-ci, à la différence près que nous ajoutons la remise en question du financement de l’Ecole dans les thèmes devant être connexes à celui des rythmes scolaires.

Revenons quelques instants sur la finalité de l’Ecole. Cette question, ô combien complexe, entraîne elle aussi son lot de réponses, toutes plus ou moins dépendantes d’une certaine vision de la société. L’Ecole doit-elle apprendre à maîtriser les savoirs fondamentaux permettant de se « débrouiller » dans la vie, comme on apprend à se servir d’outils pour réparer sa voiture ? L’Ecole forme-t-elle des citoyens autonomes et critiques qui, au-delà de savoirs, doivent acquérir une réflexion, une capacité à puiser l’information là où elle se trouve et de la critiquer ? Et puis, il y a le numérique qui donne un accès à tout type d’informations immédiatement. Avant, seul dans la forêt, il fallait se souvenir si notre maître(sse) disait que la mousse pousse côté Sud ou côté Nord sur le tronc des arbres ? Maintenant, on regarde la boussole de son iPhone … si tant est qu’il y ait du réseau … Les temps changent et l’Ecole n’est plus le lieu principal d’apprentissage. Les jeunes apprennent tous les jours de nouvelles informations mais sont de moins en moins aptes à les trier. Par exemple, sur internet, on trouve de tout. Nos élèves « boivent » ce qui s’y dit sans regard critique. D’un autre côté, nos jeunes apprennent de nombreuses choses de manière informelle (dans les jeux vidéo par exemple) et n’osent pas s’en servir car ils se disent que ce n’est pas un savoir « valable » qui a reçu le sceau de l’administration scolaire …

Il semble donc que la place de l’Ecole se trouve tout à fait au centre de ces préoccupations. Elle doit continuer à donner des bases fondamentales solides (le fameux quatuor : dire, lire, écrire, compter) à ses élèves mais elle doit également leur donner une autonomie face au savoir et (surtout) un sens critique afin qu’ils puissent s’émanciper intellectuellement. La culture artistique, humaniste et scientifique croît de manière exponentielle. L’Ecole pourra donc de moins en moins la diffuser de manière exhaustive. L’Ecole doit ainsi permettre à l’élève de trouver la bonne information, réponse à son questionnement, tout en l’analysant de manière critique. Pour cela, l’Ecole ne doit pas tourner le dos au numérique mais l’utiliser pour que les élèves sachent effectivement s’en servir et qu’ils sachent le consommer de manière critique : identifier les savoirs informels pour les intégrer et identifier les pièges de cette diffusion massive et rapide de l’information. Le temps doit être consacré à cela.

Mais de quel temps parlons-nous ? Comment s’organise-t-il ? Toujours en ne prenant en compte que les besoins de l’enfant relayés par les chronobiologistes, il faudrait probablement s’orienter vers une semaine de quatre jours et demi, la cinquième matinée étant le samedi matin (certains parents diront qu’un week-end complet c’est mieux pour eux, surtout pour les familles recomposées, mais nous ne prenons ici que l’aspect chronobiologique en compte). Côté horaire, il faudrait envisager un découpage comme celui-ci : 9h – 12h / 13h30 – 15h30. La question qui se pose alors est : que faisons-nous de nos enfants après 15h30 ? Beaucoup de parents travaillent jusqu’à 18h et même parfois 19h, et beaucoup n’ont pas les moyens de se payer une nourrice pendant 3h30, quatre fois par semaine. La solution, nous dit-on, viendrait de la municipalité. Un accord entre l’école, les structures communales et les associations culturelles et périscolaires pourrait amener à une prise en charge des enfants entre 15h30 et 18h. Parfait ! De plus, selon les biologistes, un temps d’activité artistique, sportive et/ou culturelle ne fatigue pas l’enfant comme le fait un travail scolaire. Remarquons au passage, que cette façon de fonctionner permettrait à certains enfants de participer à des activités extrascolaires auxquelles ils n’ont pas accès actuellement. On tendrait ainsi vers une « égalité » des offres d’environnements stimulants[1] pour nos enfants (à condition qu’on accepte également les enfants pas encore scolarisés qui sont accompagnés de leurs parents ou leur nourrice, ce qui suppose une nouvelle place du parent dans l’Ecole). Cependant, une ombre vient noircir ce beau tableau. En effet, certaines villes auront des moyens financiers supérieurs à de petites communes rurales sans structure.

C’est à ce moment qu’intervient la remise en question du financement de l’Ecole évoquée plus haut. Imaginons que nous mettions dans un même « sac » l’éducation populaire, à laquelle participent toutes les structures, associatives ou non, qui prennent en charge les jeunes pour leur apprendre un sport, un art, leur apporter une quelconque culture sur une quelconque thématique, et l’éducation nationale. Nous entendons par là, adjoindre leurs financements pour le globaliser. Imaginons, parallèlement à cela, que nous changions le circuit du financement de l’Ecole et des structures périscolaires et associatives. Aujourd’hui, chaque commune donne une enveloppe budgétaire à son / ses école(s) calculée au pro rata des élèves inscrits dans ladite école. Imaginons cette fois que la part dépensée par une commune pour l’éducation de ses jeunes (structures périscolaires + écoles + associations + …) soit versée par le biais d’un impôt à l’Etat. Imaginons toujours, rêvons même, que le budget ainsi accumulé soit redistribué équitablement à chaque école, en prenant comme unique critère le nombre d’enfants scolarisés par établissement. Ainsi, on effectuerait un certain rattrapage du budget des petites écoles rurales sur certains groupes scolaires de villes « riches » de manière à ce que, en prenant en compte le regroupement des éducations populaire et scolaire, chaque établissement puisse mettre en place un accueil stimulant pour les enfants pendant et hors des temps de classe. Remarquons qu’on suppose ici que l’Ecole devienne le lieu de convergence de toutes les éducations (populaires et scolaires). Cela suppose de bien remettre en perspective la place de l’Ecole et de l’Education (de l’Instruction ?) dans notre Pays.

Certes cet article énonce trop rapidement des idées qui mériteraient d’être développées, argumentées, confrontées mais son but n’est pas d’être exhaustif et convaincant à tout prix. Cet article veut juste attirer l’attention du lecteur sur le fait que la réforme de notre Ecole ne se passera pas d’une réforme de notre société et, plus particulièrement, de la manière dont nous envisageons l’éducation « globale » de nos enfants. Ainsi, pour réellement refondre notre Ecole, à travers la problématique des rythmes scolaires, nous devrons impérativement répondre à ces questions : Quelle finalité pour l’école ? Pour notre société ? Quelle éducation pour notre société ? Quelle place des enseignants, des parents, des structures éducatives dans l’éducation de nos jeunes ? En d’autres termes, faut-il changer de société pour changer d’Ecole ?

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