Les rythmes scolaires par-ci, les rythmes
scolaires par-là, tout le monde n’en a plus que pour ces fameux rythmes
scolaires. Chacun y va de sa petite idée, de sa prise de position. Il y a
d’abord les sceptiques qui affirment que ce débat n’entrainera que des
changements en surface et qu’on laissera les problèmes là où ils sont, comme si
pour faire plus propre on enfouissait les saletés sous le tapis. Il y a aussi
ceux qui pensent que c’est le problème majeur et que si la question est bien
traitée, cela permettra de rendre l’école plus vivable pour nos enfants (à
condition qu’on ne se soit occupé que d’eux dans nos débats) et, par voie de
conséquence, cela entrainera une amélioration des résultats scolaires :
moins fatigués donc plus concentrés d’où plus de réussite. Enfin, il y a ceux
qui pensent que la question des rythmes scolaires doit être abordée
conjointement avec celle du contenu des programmes scolaires, et donc de la
finalité de l’école. Nous nous plaçons parmi ceux-ci, à la différence près que
nous ajoutons la remise en question du financement de l’Ecole dans les thèmes
devant être connexes à celui des rythmes scolaires.
Revenons quelques instants sur la finalité de
l’Ecole. Cette question, ô combien complexe, entraîne elle aussi son lot de
réponses, toutes plus ou moins dépendantes d’une certaine vision de la société.
L’Ecole doit-elle apprendre à maîtriser les savoirs fondamentaux permettant de
se « débrouiller » dans la vie, comme on apprend à se servir d’outils
pour réparer sa voiture ? L’Ecole forme-t-elle des citoyens autonomes et
critiques qui, au-delà de savoirs, doivent acquérir une réflexion, une capacité
à puiser l’information là où elle se trouve et de la critiquer ? Et puis,
il y a le numérique qui donne un accès à tout type d’informations
immédiatement. Avant, seul dans la forêt, il fallait se souvenir si notre
maître(sse) disait que la mousse pousse côté Sud ou côté Nord sur le tronc des
arbres ? Maintenant, on regarde la boussole de son iPhone … si tant est
qu’il y ait du réseau … Les temps changent et l’Ecole n’est plus le lieu
principal d’apprentissage. Les jeunes apprennent tous les jours de nouvelles
informations mais sont de moins en moins aptes à les trier. Par exemple, sur
internet, on trouve de tout. Nos élèves « boivent » ce qui s’y dit
sans regard critique. D’un autre côté, nos jeunes apprennent de nombreuses
choses de manière informelle (dans les jeux vidéo par exemple) et n’osent pas
s’en servir car ils se disent que ce n’est pas un savoir « valable »
qui a reçu le sceau de l’administration scolaire …
Il semble donc que la place de l’Ecole se
trouve tout à fait au centre de ces préoccupations. Elle doit continuer à
donner des bases fondamentales solides (le fameux quatuor : dire, lire,
écrire, compter) à ses élèves mais elle doit également leur donner une
autonomie face au savoir et (surtout) un sens critique afin qu’ils puissent
s’émanciper intellectuellement. La culture artistique, humaniste et
scientifique croît de manière exponentielle. L’Ecole pourra donc de moins en
moins la diffuser de manière exhaustive. L’Ecole doit ainsi permettre à l’élève
de trouver la bonne information, réponse à son questionnement, tout en
l’analysant de manière critique. Pour cela, l’Ecole ne doit pas tourner le dos
au numérique mais l’utiliser pour que les élèves sachent effectivement s’en
servir et qu’ils sachent le consommer de manière critique : identifier les
savoirs informels pour les intégrer et identifier les pièges de cette diffusion
massive et rapide de l’information. Le temps doit être consacré à cela.
Mais de quel temps parlons-nous ?
Comment s’organise-t-il ? Toujours en ne prenant en compte que les besoins
de l’enfant relayés par les chronobiologistes, il faudrait probablement s’orienter
vers une semaine de quatre jours et demi, la cinquième matinée étant le samedi
matin (certains parents diront qu’un week-end complet c’est mieux pour eux,
surtout pour les familles recomposées, mais nous ne prenons ici que l’aspect
chronobiologique en compte). Côté horaire, il faudrait envisager un découpage
comme celui-ci : 9h – 12h / 13h30 – 15h30. La question qui se pose alors
est : que faisons-nous de nos enfants après 15h30 ? Beaucoup de
parents travaillent jusqu’à 18h et même parfois 19h, et beaucoup n’ont pas les
moyens de se payer une nourrice pendant 3h30, quatre fois par semaine. La
solution, nous dit-on, viendrait de la municipalité. Un accord entre l’école,
les structures communales et les associations culturelles et périscolaires
pourrait amener à une prise en charge des enfants entre 15h30 et 18h.
Parfait ! De plus, selon les biologistes, un temps d’activité artistique,
sportive et/ou culturelle ne fatigue pas l’enfant comme le fait un travail
scolaire. Remarquons au passage, que cette façon de fonctionner permettrait à
certains enfants de participer à des activités extrascolaires auxquelles ils
n’ont pas accès actuellement. On tendrait ainsi vers une « égalité »
des offres d’environnements stimulants[1]
pour nos enfants (à condition qu’on accepte également les enfants pas encore
scolarisés qui sont accompagnés de leurs parents ou leur nourrice, ce qui
suppose une nouvelle place du parent dans l’Ecole). Cependant, une ombre vient
noircir ce beau tableau. En effet, certaines villes auront des moyens
financiers supérieurs à de petites communes rurales sans structure.
C’est à ce moment qu’intervient la remise en
question du financement de l’Ecole évoquée plus haut. Imaginons que nous
mettions dans un même « sac » l’éducation populaire, à laquelle
participent toutes les structures, associatives ou non, qui prennent en charge
les jeunes pour leur apprendre un sport, un art, leur apporter une quelconque
culture sur une quelconque thématique, et l’éducation nationale. Nous entendons
par là, adjoindre leurs financements pour le globaliser. Imaginons,
parallèlement à cela, que nous changions le circuit du financement de l’Ecole
et des structures périscolaires et associatives. Aujourd’hui, chaque commune
donne une enveloppe budgétaire à son / ses école(s) calculée au pro rata des
élèves inscrits dans ladite école. Imaginons cette fois que la part dépensée
par une commune pour l’éducation de ses jeunes (structures périscolaires +
écoles + associations + …) soit versée par le biais d’un impôt à l’Etat.
Imaginons toujours, rêvons même, que le budget ainsi accumulé soit redistribué
équitablement à chaque école, en prenant comme unique critère le nombre d’enfants
scolarisés par établissement. Ainsi, on effectuerait un certain rattrapage du
budget des petites écoles rurales sur certains groupes scolaires de villes
« riches » de manière à ce que, en prenant en compte le regroupement
des éducations populaire et scolaire, chaque établissement puisse mettre en
place un accueil stimulant pour les enfants pendant et hors des temps de
classe. Remarquons qu’on suppose ici que l’Ecole devienne le lieu de
convergence de toutes les éducations (populaires et scolaires). Cela suppose de
bien remettre en perspective la place de l’Ecole et de l’Education (de
l’Instruction ?) dans notre Pays.
Certes cet article énonce trop rapidement des
idées qui mériteraient d’être développées, argumentées, confrontées mais son
but n’est pas d’être exhaustif et convaincant à tout prix. Cet article veut
juste attirer l’attention du lecteur sur le fait que la réforme de notre Ecole
ne se passera pas d’une réforme de notre société et, plus particulièrement, de la
manière dont nous envisageons l’éducation « globale » de nos enfants.
Ainsi, pour réellement refondre notre Ecole, à travers la problématique des
rythmes scolaires, nous devrons impérativement répondre à ces questions :
Quelle finalité pour l’école ? Pour notre société ? Quelle éducation
pour notre société ? Quelle place des enseignants, des parents, des structures
éducatives dans l’éducation de nos jeunes ? En d’autres termes, faut-il
changer de société pour changer d’Ecole ?
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