jeudi 2 février 2012

L'inconscient comme système de traces mnésiques

« Si la réalité interne inconsciente se constitue à partir d’une association entre des traces primaires aboutissant à de nouvelles traces qui demeurent inconscientes, si le lien avec les expériences initiales se perd tout au long de se processus d’inscription, de réinscription et d’association, s’il n’y a pas de lien direct et simple entre le signifié du monde extérieur et le signifié produit dans la réalité interne inconsciente, alors faut-il en déduire qu’on ne peut mettre en relation directe l’inconscient avec l’une ou l’autre forme de mémoire, la mémoire explicite, implicite, procédurale, ou d’autres définies dans les terminologies de la neuropsychologie ?

De fait, les traces qui constituent le scénario fantasmatique de la réalité interne inconsciente sont bien différentes d’un système de mémoire donné. Il s’agit à proprement parler de nouvelles traces mnésiques propres à l’inconscient, qui ne sont pas forcément ramenables à l’une ou l’autre des structures vouées à la mémoire définies et localisées par l’approche neuropsychologique cognitive. L’inconscient n’est donc pas une mémoire, mais un système de traces mnésiques réarrangées qui ne sont pas un reflet de la réalité externe qui les à engendrées.


[…]


Les traces qui constituent ce réseau d’associations de l’inconscient ne sont plus en connexion directe avec l’expérience initiale du monde externe. Par le biais de multiples réassociations, l’accès direct à l’expérience initiale est perdu. On a plutôt à faire à un scénario complexe qui s’est constitué en discontinuité par rapport à la réalité. Le travail analytique peut aboutir à rétablir cette discontinuité, en démasquant le scénario fantasmatique.


[…]


A ce propos, on comprend qu’on ne désensibilise pas un scénario fantasmatique par une thérapie comportementale. Celle-ci ne peut, en fait, agir que si la relation entre perception et inscription est conservée sous une forme linéaire et univoque – en d’autres termes en agissant sur les traces primaires […]. Il s’agit là, en quelque sorte, de « déconditionner » des synapses facilitées en relation à un évènement. Par contre les thérapies comportementales ne peuvent pas accéder aux associations de traces secondaires qui constituent le scénario fantasmatique. »

1 commentaire:

  1. Toutes les problématiques des "traces mnésiques" ont le tort me semble t'il de considérer le passé comme une accumulation linéaire de celles-ci.
    Malgré les apparences, Freud par exemple ne s'est jamais intéressé au "souvenir d'enfance" (son Souvenir d'enfance de Leonard de Vinci, étant l'exemple même de cette faillite).

    Pour avoir une idée de cette question, et avoir une chance d'appréhender la "discontinuité" instaurée entre ces traces mnésiques et la réalité vécue, il serait bon de s'arrêter à ce que disait JJ Rousseau à l'aube de ses Confessions, à savoir qu'il ne se souvenait pas comment il avait appris à lire, et que c'était uniquement à 5/6 ans qu'il pouvait situer la conscience de lui-même. C'est à dire qu'il définissait par là une zone d'oubli incontournable, irrémédiable dans la petite enfance; une période sans conscience aucune, mais sur la base de laquelle toute conscience à venir trouverait à se constituer, et non pas un "vide" comme pourraient le croire certains de nos jours.
    A ce titre on ne peut alors, plus tenir pour équivalente toutes les traces mnésiques survenues quelques soit l'âge de l'individu; certaines étant primordiales.

    J'ai voulu montrer cela par la plus grande expérience de "souvenir" qui puisse exister, (la plus "transparente" disait Nietzsche) à savoir l'Art, avec d'abord le cas de l'architecte Le Corbusier (Le Don de Jeanneret et les Dons de Froebel/ thèse 1998 - ETHZ).
    Celui-ci -chose établie et incontestable-, a pu fréquenter l'école Froebel dès 3 ans 1/2, et il est repérable de façon jusqu'alors inimaginable pour n'importe quel psychologue, neuropsychiatre, etc.., que cet apprentissage froebelien initial ne devait cesser de faire retour dans sa vie au travers de son œuvre; cela jusqu'à qu'à des formes inouïes (telles que la quasi superposition affine de sa "Boîte à miracles" avec la Boîte Froebel) avec et sans aucun affaiblissement avec l'âge, bien au contraire... Puisque mort à 78 ans, il ne devait cesser de rappeler ce passé comme avec son "opus magnum" Chandigard. Mais tout ceci, et c'est essentiel, par la seule pratique Artistique, et sans jamais en faire la moindre mention "consciente", dans le plus total "oubli" de ces primes années. Au point que l'opposition entre l'absence totale de souvenirs (conscients), et la floraison artistique "en actes" (presque automatique) serait sans doute ce qu'il y a de plus remarquable.

    Ce qui est vrai pour Le Corbusier, l'est tout autant pour n'importe quel créateur. Je viens récemment de l'indiquer pour Rimbaud (Prolégomènes au Paris d'Arthur Rimbaud/ 2013 Wiking), demain pour Cézanne aussi en montrant à quoi son obsessionnelle "Sainte Victoire" pouvait bien se rattacher, au loin dans son enfance.

    Marc Solitaire. - Dr Sc/ Ethz

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