samedi 31 mars 2012

"Psychologie analytique et éducation"



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La psychologie scientifique fut à ses débuts soit psychologie physiologique, soit un amas assez désordonné de recherches ou d'expériences sur des faits et des fonctions isolés. C'est bien pour cette raison que l'hypothèse de Freud, certes partiale, constitua une poussée libératrice vers une psychologie des ensembles mentaux. A proprement parler, sa psychologie est celle des ramifications de l'instinct sexuel dans l'âme humaine. Malgré l'importance indéniable de la sexualité, il est pourtant impossible d'admettre que tout, absolument tout, dépend de cet instinct. Une hypothèse comme celle-là, dont l'application peut être très vaste, agit d'abord comme une illusion d'optique : elle efface tout ce qui est d'une autre couleur pour n'en plus laisser subsister qu'une seule. Aussi est-ce un fait de première importance que le premier disciple de Freud, Adler, ait fait une hypothèse d'une tout autre nature et d'une aussi vaste application. Les freudiens négligent d'ordinaire de signaler les mérites d'Adler parce qu'ils ont en l'hypothèse sexuelle une croyance fanatique. Or, le fanatisme est toujours compensation de doutes secrets. Les persécutions religieuses ne se produisent que là où il y a des hérétiques. Il n'y a pas en l'homme un seul instinct qui ne soit contrebalancé par un autre. La sexualité ne rencontrerait aucune entrave s'il n'y avait un facteur compensateur sous la forme d'un instinct de même puissance destiné à s'opposer à une liberté sans entrave, donc destructrice, de l'instinct sexuel. La structure de l'âme ne tourne pas autour d'un pôle unique. Si la sexualité est une force dont les flots submergent de leurs irrésistibles impulsions tout l'être humain, il est naturel qu'il existe en cet être une force d'affirmation de soi qui lui aide à résister à toutes les sortes d'impulsions émotionnelles. »

Carl Gustav Jung in Psychologie et Education

vendredi 9 mars 2012

Le jeu vidéo à l’adolescence : enjeux inter et intrapsychiques



Article de Yann Leroux dont vous pourrez trouver l'original (et plein d'autres articles) sur l'excellent site : psy et geek


"Les jeux vidéo font partie du quotidien des adolescents qui y consacrent une grande partie de leur temps libre. Mario, Sonic, ou Solid Snake sont devenus des icones de la culture adolescente. La pratique des jeux vidéo peut être considérée de deux points de vue. Le premier est la dimension relationnelle. On s’intéressera alors aux liens que les adolescents créent en ligne. La seconde est centrée sur la dimension intrapsychique. Le jeu vidéo est alors pratiqué pour soi c’est-à-dire pour les possibilités qu’il offre au monde interne de l’adolescent.

Le jeu vidéo opérateur interpsychique

L’enfant est introduit au jeu vidéo par un frère ou une sœur plus âgé. De plus en plus souvent, les parents sont eux-mêmes d’anciens enfants joueurs de jeux vidéo et initient leur enfant au média. L’enfant passe donc du temps auprès d’un autre plus expérimenté à le regarder jouer. Parfois, les ainés font faire au petit les tâches qu’ils trouvent rébarbatives dans le jeu. Par exemple, l’enfant devra “farmer” des plantes pour le personnage de son ainé. Ce qui est transmis ce n’est pas seulement les techniques nécessaires au jeu jeu vidéo. Les ainés transmettent également leurs investissements conscients et inconscient. L’enfant est témoin des modes de réaction privilégié des plus grands en cas de victoire et de défaite. L’enfant est donc au contact avec les traces.
La dimension relationnelle du jeu vidéo relie l’adolescent à ses parents et à ses pairs. Les parents sont d’abord les premiers pourvoyeurs des jeux vidéo. Ce sont eux qui ont donné à jouer en achetant une console, un ordinateur ou des jeux. Les consoles s’installent dans les salons, ce qui pose immédiatement la question du partage de l’espace et de l’accès au téléviseur. La toute dernière vague de jeux vidéo, les casual games, sont conçus pour que toute la famille puisse jouer. Enfin, par les conflits qu’ils provoquent, les jeux vidéo sont pour les adolescents des manières d’être en contact avec leurs parents.
Parfois, un parent va donner à jouer à son enfant un jeu auquel il a joué lorsqu’il était adolescent. Un jeu comme Space Invaders Reloaded permet par exemple de rejouer à un hit des années 1980 avec le look and feel des années 2010. L’incitation à jouer est alors porteuse des même enjeux de transmission que l’incitation à écouter un morceau de musique ou de lire un livre. Le parentstransmet à cette occasion des éléments de son histoire. Le jeu vidéo devient un objet de relation c’est-à-dire un objet mettant en relation deux psychismes mais de façon différentes.
Les jeux vidéo, parce qu’ils sont donnés par les parents, ou parce que les parents les tolèrent, sont porteurs de la dynamique inconsciente des parents. Ils sont pour les adolescents des indicateurs de ce qui est pour leurs parents toléré, interdit ou valorisé en matière de violence, d’agressivité ou tout simplement de plaisir.
Les jeux vidéo sont aussi des facilitateurs relationnels. Ils sont l’occasion de discussion passionnées avec les pairs. Les adolescents partagent entre eux les dernières nouveautés, les trucs pour accéder à un niveau caché, ou pour progresser plus rapidement. Les compétences des uns et des autres leur permettent d’établir des hiérarchies et des étiquettes dans leurs groupes . Il y a les « no-lifes », les « geeks », ou les « kevin » c’est-à-dire autant de manières de se situer les uns par rapport aux autres.
L’évolution des jeux vidéo les a conduit à pouvoir être joués à plusieurs. Cette dimension sociale est encore accrue par les classements qui sont établis dans la plupart des jeux qui peuvent être accessibles à d’autres. Chacun connait donc sa place et sa valeur dans le jeu, et cette place et cette valeur sont reconnus pas d’autres. Par exemple, dans World of Warcraft, un système de « Hauts-faits » garde en mémoire et affiche les instants mémorables vécus en ligne. La liste des hauts faits constitue un véritable journal de l’histoire du joueur. Chaque joueur peut comparer ses hauts faits avec ceux d’un autre joueur ou accéder aux hauts faits d’un joueur à l’armurerie.

Le jeu vidéo opérateur intrapsychique

Le jeu vidéo est aussi une expérience intrapersonnelle. Il permet de se connecter au « trésor déjà là de la culture » (Freud), c’est-à-dire la famille des jeux vidéo du même genre, à la culture du jeu vidéo, et, via le transmédia, à des univers narratifs. Par exemple, le film Matrix a débordé des salles de cinéma. Il est décliné en films d’animations et en jeux vidéo. Le dernier vol de l’Osiris se termine sur une lettre envoyé aux défenseurs du monde libre et c’est la première mission que doit effectuer le joueur dans le jeu vidéo. Par ces chemins narratifs, et parce qu’ils donnent à jouer avec les grandes figures de l’imaginaire, les jeux vidéo aident à un travail de mise en forme de la vie pulsionnelle.
Les jeux vidéo mobilisent la vie pulsionnelle en donnant à jouer avec des thèmes comme la violence, la sexualité mais aussi l’abandon, la coopération, l’aventure, l’évasion, la colonisation… En ce sens, ils permettent d’articuler les émois et les pensées de l’adolescent à des récits qui introduisent temporalité. Le jeu vidéo est alors un contenant utilisé par l’adolescent pour transformer des états internes. Il permet de ressentir en toute sécurité des émotions intenses, d’expérimenter des types de relation ou de goûter aux plaisirs. Les désordres de l’adolescence trouvent là un organisateur commode puisque le déprimé y trouvera matière à s’animer, l’incertain des occasions de réassurance, et le xxx agitation agité
L’adolescent va trouver dans le jeu des figures identifiantes et des occasions de liens. Les figures identifiantes sont données par le jeu au travers des figures archétypiques du héros. Mario est ainsi investi par les plus jeunes comme par les adolescents parce qu’il est un pont entre le monde des enfants et des adultes. Du premier il a le babil juvénile, le facile émerveillement et les sautillements qui caractérisent les tous petits. Mais, comme les adultes, il a aussi un métier, une moustache et une chérie. Les jeux de guerre permettent de s’identifier au guerrier tandis que les jeux de stratégies vont davantage du coté de l’imaginaire de l’architecte ou du créateur.
Enfin, le jeu vidéo peut être l’occasion d’un travail d’écriture qui permet de mieux s’approprier les désirs et les représentations que le jeu a suscité. L’adolescent s’identifie alors au créateur du jeu et il produit des images ou des textes en référence avec le jeu qui les a profondément marqué. Les « machimina », c’est-à-dire les vidéo produites à partir d’un jeu vidéo, la création de « tutoriaux », ou l’écriture d’histoires mettant en scène des personnages d’un jeu vidéo correspondent à ce mouvement.
Le jeu vidéo peut donc fonctionner comme un opérateur interpsychique ou un opérateur intrapsychique. Dans le second cas, ce sont des ferments de la vie relationnelle. Dans le second cas, il permet de traiter des éléments psychiques internes. Dans les deux cas, la pratique des jeux vidéo peut-être enrichissante ou appauvrissante pour le psychisme. Les jeux vidéo sont alors des écrans mis entre soi et le monde. Cet écran peut être tourné vers le monde extérieur. L’immersion dans l’Internet permet de ne pas être plongé dans la vie relationnelle, avec ses problèmes, ses obligations et ses risques. L’écran peut aussi être tourné vers le monde interne. L’utilisation de l’Internet sert alors à contenir des éléments psychiques dont la prise de conscience serait pour l’instant trop douloureuse pour l’adolescent. Bénéfique ou défavorable, l’effet des jeux vidéo sur un sujet dépend toujours du type de relation qu’il a noué avec le média."

Yann Leroux

mardi 6 mars 2012

L’autre moi-même par A. Damasio (conférence)

Conférence : L'autre moi-même par Antonio Damasio (25/09/10 - Cité des Sciences)


"Avec la sortie de son nouvel ouvrage L’autre moi-même, en avant première en France aux Editions Odile Jacob, Antonio Damasio nous livre son tout dernier état de la réflexion sur les mécanismes qui, dans le cerveau, font émerger ce qu’on appelle la conscience. Pourquoi chacun de nous peut-il dire Je ? Répondant à cette question, il démontre que la conscience et le soi ne sont pas seulement les produits de ce qu’il y a de plus élaboré, de plus "élevé" dans le cerveau, mais dérivent progressivement de processus cérébraux plus profonds, liés à la motricité et surtout à la régulation vitale élémentaire.
Antonio Damasio, mondialement connu depuis l’immense succès de L’Erreur de Descartes et de Spinoza avait raison, est professeur de neurologie, neurosciences et psychologie. Il est directeur de l'Institut pour l'étude neurologique de l'émotion et de la créativité de l'université de Californie du Sud et également professeur adjoint au Salk Institute de La Jolla.


Répondants :
Sylvie Berthoz, chargée de recherche à l’Inserm, psychologue clinicienne à l’Institut mutualiste Montsouris.
Pascal Sévérac, agrégé et docteur en philosophie, directeur de programme au Collège International de philosophie et rédacteur en chef de laviedesidees.fr.

Séance animée par Sébastien Bohler, rédacteur à la revue Cerveau & Psycho."


Pour voir la conférence cliquer ici.

vendredi 2 mars 2012

Citation du jour


« La première place, la plus importante, est occupée par des parents d’ordinaire incompétents qui bien souvent restent toute leur vie à moitié ou même tout à fait des enfants. Et qui donc finalement, pourrait attendre de tous les parents ordinaires qu’ils soient des « personnalités », et qui donc n'a jamais pensé à imaginer des méthodes pour donner aux parents de la « personnalité » ? C’est pour cette raison que l’on attend tout naturellement davantage du pédagogue, spécialiste formé à qui l’on a tant bien que mal enseigné la psychologie, c’est-à-dire les points de vue de celui-ci ou de celui-là, le plus souvent d’opinions fondamentalement différentes, à qui l’on a appris comment l’enfant est présumé être constitué et comment il faut le traiter. Des jeunes gens qui ont choisi la pédagogie pour profession ont posé à priori qu’ils ont été eux-mêmes éduqués. Sont-ils tous, tant qu’ils sont, des « personnalités » ? Personne sans doute, ne voudrait l’affirmer. Ils ont, l’un dans l’autre, reçu la même éducation défectueuse que les enfants qu’ils doivent éduquer et ne sont en général pas davantage des personnalités que ne le sont ceux-là. »

Carl Gustav Jung in Psychologie et Education