lundi 30 juillet 2012

Mythologies scandinave, grecque et égyptienne



« On appelle mythologie (du grec μυθολογία, de μθος mythe et λόγος discours), soit un ensemble de mythes liés à une civilisation, une religion ou un thème particulier, soit l'étude de ces mythes. Les chercheurs qui étudient les mythologies sont appelés « mythologues ».

Comprise comme ensemble de mythes, la notion de mythologie est généralement utilisée pour décrire des ensembles de récits et de figures divines, humaines ou monstrueuses brassés par les systèmes religieux des civilisations anciennes ou de sociétés traditionnelles, éloignées dans l'espace ou dans le temps.

Comprise comme l'étude des mythes, la mythologie remonte également à l'Antiquité, dans la mesure où les Grecs anciens portent très rapidement un regard critique sur leurs propres mythes, ce qui amène à des interprétations liées à une volonté de réécriture réaliste ou moralisante, via des courants tels que l'évhémérisme et la pratique du commentaire allégorique. Mais ce n'est qu'au xixe siècle que les études mythologiques se constituent en une discipline à prétention scientifique, dans le contexte du développement des sciences sociales, en particulier de l'anthropologie. C'est aussi à ce moment que naît la mythologie comparée, conçue d'abord sur le modèle de la linguistique comparée. De cette évolution sont issus les principaux courants des études mythologiques aux xxexxie siècles, tels l'interprétation ritualiste, l'approche psychanalytique ou le structuralisme. »[1]






vendredi 27 juillet 2012

Le Kojiki (cosmogonie shintoïste)


"Le Kojiki (古事記, litt. « Chronique des faits anciens ») est un recueil de mythes concernant l’origine des îles formant le Japon et des dieux (kami). Avec le Nihon Shoki, les légendes contenues dans le Kojiki ont inspiré beaucoup de pratiques et de croyances du shintoïsme. Il est généralement considéré comme le plus ancien écrit japonais existant encore de nos jours.

Le Kojiki est une compilation des récits du conteur Hieda no Are (稗田阿礼) par le chroniqueur Ō no Yasumaro (太安万侶) sur l'ordre de l'impératrice Gemmei (元明天皇). Il lui fut offert en 712." (Wikipédia)

En voici une version en ligne (cliquez sur les idéogrammes) : 古事記





Synchronicité : entre psychique et physique


Articles de l’INREES

La physique peut-elle contribuer à la compréhension de la psyché ? 


C’est ce que pensait Carl G. Jung. Pendant plus de trente ans, il entretint une correspondance avec le grand physicien Wolfgang Pauli. La notion de synchronicité en fut l’un des grands thèmes.

En 1949, parlant de la synchronicité, Jung écrivit à Pauli : « Les physiciens sont aujourd’hui les seuls à s’intéresser à ce genre d’idées. » La synchronicité est entendue comme une coïncidence entre un état psychique et un événement non psychique. Dans le monde matériel, il se produit quelque chose qui fait écho à l’état psychique de l’observateur avec une telle force que ce dernier en est bouleversé.

Cette synchronicité est frappante parce que tout en étant pour l’observateur riche de signification, elle échappe à la causalité formelle qui régit les lois de la physique classique. Selon cette causalité, A produit B. Nous avons l’habitude de la considérer comme seule valable, toute autre coïncidence relevant du pur hasard.

Mais la physique quantique pose l’existence d’un autre type de « causalité » : le principe qui ordonne la matière, au niveau microscopique, n’est en effet pas la causalité formelle, mais une sorte de danse synchrone. Il existe donc à l’œuvre un principe qui n’est ni cette causalité classique, ni le hasard, régissant le microscopique.

Quel rapport entretienne donc l’esprit et la matière ? Comment qualifier ce rapport ? En référence aux expériences de psychokinèse ( action de l’esprit sur la matière) de J.B. Rhine sur les jets de dés, aux résultats significatifs, Jung avance dans une lettre à Pauli : « il est plus vraisemblable que toutes deux (matière et psyché) ont en fait la même propriété, qu’elles sont toutes deux contingentes à un niveau plus profond et empiètent l’une sur l’autre sans se soucier de leur détermination causales respectives. »

La physique quantique suggère qu’il existe une dimension hors de l’espace et du temps, où tout est lié. C’est l’hypothèse du physicien David Bohm : Notre monde d’objet tridimensionnel d’objets est l’ordre explicite, ou déplié ; Cet ordre se déploie selon « une base au-delà du temps » : l’ordre implicite ou implié, arrière-plan de la totalité de l’expérience. Esprit et matière se déploient donc à partir d’une base commune, au-delà de l’espace et du temps, dont les synchronicités sont en quelque sorte l’expression.

Autre apport de la physique quantique, l’objet observé est inséparable de l’observateur. « Lorsque ces phénomènes dépendent de la façon dont ils sont observés (agencement de l’expérience), n’y a –t-il pas alors peut-être aussi des phénomènes qui dépendent de la personne qui les observe (c'est-à-dire de la psyché de l’observateur) ? » avance Wolfgang Pauli. Autrement dit, l’observateur dans une certaine mesure, ne crée-t-il pas le monde ?

De ces échanges entre Jung et Pauli, on ne doit pas déduire que le phénomène de synchronicité est scientifiquement prouvé. Mais s’aventurant au-delà de leur discipline respective, mus par le désir de comprendre, ils nous invitent à porter un regard nouveau sur les coïncidences à l’œuvre dans nos vies.

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Synchronicité : face visible de l'inconscient collectif ?



De mystérieux événements synchrones semblent parsemer nos vies. Les recherches actuelles tendent à prouver que tout semble se mouvoir de façon harmonieuse dans le monde naturel, mais que cette harmonie est parfois soudainement brisée par des événements symboliques chargés de sens... Le principe de l’univers se situerait-elle dans une conscience universelle ?

Mais quelle est donc cette réalité invisible capable de synchroniser les évènements de la nature, d’où provient-elle et en vertu de quelles lois s’accomplit-elle exactement ?

En interprétant les sens symboliques de ses rêves, à fort contenu alchimique, et après avoir longuement étudié les recherches de Jung sur la synchronicité, Wolfgang Pauli - physicien autrichien connu pour sa définition du principe d'exclusion en mécanique quantique, ce qui lui valut le prix Nobel de physique de 1945 - se rendit compte que tous les phénomènes synchrones qui se produisaient dans la nature, qu’ils soient à caractères humain ou quantique, devaient obligatoirement avoir une matrice commune, capable d’unir de façon synchrone le monde du psychisme avec celui de la matière.

En observant attentivement les mécanismes qu’il avait étudié en mécanique quantique par le biais du principe d’exclusion et du neutrino, qu’il avait lui-même découverts, et les conséquences du bouleversant « paradoxes EPR » - une expérience de pensée, élaborée par Albert Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen - en observant son inconscient à l’œuvre au cours des séances de psychanalyse avec Jung ou pendant l’ « effet Pauli », en étudiant soigneusement les découvertes de Jung sur l’inconscient collectif, Pauli avait eu l’intuition profonde et certaine que cette matrice invisible, capable d’assembler le monde, était l’inconscient collectif, auquel l’inconscient personnel accède occasionnellement à travers des rêves chargés de sens et de phénomènes de synchronicité.

L’inconscient collectif perd alors sa nature exclusive de concept psychologique pour devenir cette réserve d’énergie psychique en dehors du temps et de l’espace, qui gouverne non pas comme une force, mais comme une forme et informe instantanément le monde de la matière. L’esprit (le psychisme) et la matière ne sont donc pas disjoints, mais interagissent totalement, de façon synchrone. Et il n’y a pas un seul esprit et un seul morceau de matière, existant individuellement, mais un nombre infini de morceaux de matière/esprit, unis et synchronisés en un tout unique. Ce que nous croyons être alors notre psychisme ne l’est pas, mais est notre capacité à nous relier à une grande source universelle qui nous unis tous. L’ego, la séparation, la distinction entre objets et particules sont autant de parties d’une unique danse sans fin, qui prises séparément, comme des entités disjointes, ne sont qu’une illusion. Notre ego est une illusion. En effet, certains problèmes psychiques, comme ceux que connut Pauli pendant si longtemps, sont une façon de nous avertir que nous sommes séparés du « Soi ». La clef du bonheur, de la sérénité et de la vie même, est de prendre conscience de notre appartenance à un univers infini. 




jeudi 26 juillet 2012

L'inconscient collectif, une notion clé de la pensée de Jung


(Article de l'INREES)

L’inconscient selon Jung comporte plusieurs dimensions. « Il ne s’agit pas de nier l’inconscient freudien mais de voir qu’il y a une couche beaucoup plus profonde d’inconscient dans lequel le sujet n’est plus enfermé sur lui-même mais ouvert à de l’inconnu » explique Michel Cazenave qui ajoute : « Il ne faut pas rester dans l’idée d’une créature qui est complètement enfermée dans son histoire personnelle. Ma psychologie n’est jamais que le champ dans lequel se manifeste quelque chose qui est bien au-delà de moi. C’est la différence fondamentale avec Freud. Pour lui, nous naissons ‘table rase’ et nous ne sommes que le résultat de toutes nos expériences, de nos refoulements. »

Dans l’âme, Jung distingue trois degrés : 1. La conscience ; 2. L’inconscient personnel (contenus oubliés ou refoulés, perceptions sensibles qui n’ont jamais atteint la conscience tout en pénétrant dans la psyché) ; 3. L’inconscient collectif, héritage de possibilité représentatives, qui n’est pas individuel, mais généralement humain, même généralement animal, et constitue le fondement proprement dit du psychisme individuel. Jung ajoute : « l’inconscient qui est l’ensemble de tous les archétypes, est le dépôt de tout ce que l’humanité a vécu, en remontant à ses plus obscurs commencements, non pas un dépôt mort, sorte de champ de ruines abandonnées – mais un système de réactions et de disponibilités qui déterminent la vie individuelle par des voies invisibles et par suite, d’autant plus efficaces. »

Dans L’Ultime Voyage, la conscience et le mystère de la mort, le psychiatre Stanislav Grof relate un cas qui selon lui illustra magistralement l’existence de cet inconscient jungien. Lorsqu’il travaillait à l’Institut de recherche psychiatrique de Prague, il avait pour patient Otto, un jeune homme qui souffrait de dépression et thanatophobie, une peur pathologique de la mort. Au cours de l’une de ses séances, Otto vécut une séquence très forte de mort et renaissance psychospirituelle. « Il eut la vision d’une divinité porcine terrifiante qui gardait l’entrée d’un souterrain sinistre. Au même instant, il éprouva le besoin impérieux de dessiner un motif géométrique précis. » Sanislav Grof raconte qu’Otto usa beaucoup de papier à essayer de dessiner « comme il fallait » de mystérieux motifs géométriques. 

Il ne comprit pas cet épisode, et n’en eut la clé que bien des années plus tard, après sa rencontre avec le mythologue Joseph Campbell, à qui il raconta un jour ce qui était arrivé à Otto. « Comme c’est intéressant ! » s’exclama Joseph, et sans l’ombre d’une hésitation : « C’était visiblement la Mère Cosmique de la Nuit de la Mort, la déesse mère des Malékuléens de Nouvelle Guinée. » Joseph Campbell expliqua alors à Stanislav Grof que cette divinité avait l’apparence d’une figure féminine effrayante, aux traits nettement porcins. « D’après la tradition malékuléenne, elle se tenait à l’entrée du monde souterrain et gardait le labyrinthe sacré, très complexe. (…) Au cours de leur vie, les Malékuléens passaient beaucoup de temps à dessiner des labyrinthes, car la maîtrise de cet art était considérée comme essentielle à la réussite de leur voyage dans l’au-delà. »

Pour quelqu’un qui comme Otto, souffre de thanatophobie, le choix du symbolisme malékuléen semble particulièrement adapté. Mais dans ce cas, elle resta un mystère. « Le fait que ni moi, ni Otto n’avions la moindre connaissance intellectuelle de la culture malékuléenne corrobore une nouvelle fois la notion jungienne d’inconscient collectif » conclut Stanislav Grof.




mardi 24 juillet 2012

L’Homme, l’Animal et La Machine (G. Chapouthier / F. Kaplan)


• Les animaux ont-ils une conscience ? Les machines peuvent-elles se montrer intelligentes ? Chaque nouvelle découverte des biologistes, chaque progrès technologique nous invite à reconsidérer le propre de l'homme.

Ce livre, fruit de la collaboration entre Georges Chapouthier, biologiste et philosophe de la biologie et Frédéric Kaplan, ingénieur spécialiste de l'intelligence artificielle et des interfaces homme-machine, fait le point sur les multiples manières dont les animaux et les machines peuvent être comparés aux êtres humains. Après un panorama synthétique des capacités des animaux et des machines à apprendre, développer une conscience, ressentir douleur ou émotion, construire une culture ou une morale, les auteurs détaillent ce qui nous lie à nos alter-egos biologiques ou artificiels : attachement, sexualité, droit, hybridation. Au-delà, ils explorent des traits qui semblent spécifiquement humains – l'imaginaire, l'âme ou le sens du temps – mais pour combien de temps encore… Une exploration stimulante au cœur des mystères de la nature humaine, qui propose une redéfinition de l'homme dans son rapport à l'animal et à la machine.

• Georges Chapouthier, de double formation neurobiologiste et philosophe, est directeur de recherche au CNRS. On lui doit de nombreux livres sur le cerveau et sur les animaux, comme Biologie de la Mémoire (2006) ou 
Kant et le chimpanzé (2009).

• Frédéric Kaplan, spécialiste des interfaces homme-machines et de l'intelligence artificielle, est chercheur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il a notamment publié Les machines apprivoisées (2005) et La métamorphose des objets (2009).


Ecouter George Chapouthier parler de son livre sur RFI : partie 1 (ici) et partie 2 (ici).


jeudi 19 juillet 2012

De l'importance d'un environnement stimulant précoce



Le lecteur qui aura eu la curiosité de lire mes quelques (humbles) articles sur ce site aura très rapidement perçu mon attachement quant à l’importance d’offrir au nourrisson et au jeune enfant un environnement précocement stimulant (intellectuellement). Il est en effet primordial que le jeune enfant, dans sa période préscolaire, baigne dans un milieu qui favorise son activité cérébrale. Voici pourquoi en trois images …



Image 1


L’image numéro 1 nous montre le rôle que joue l’expérience (et donc la stimulation intellectuelle) lors de la formation des synapses et du développement de l’arborisation dendritique dans trois zones du cerveau en fonction de l’âge.

Rappelons que le cerveau est le siège des fonctions cognitives (langage, mémoire, émotions, etc.). Il est également le lieu où sont régulées les autres fonctions organiques et où sont traitées toutes les informations sensorielles. Le cerveau est essentiellement constitué de milliards de cellules nerveuses appelées les neurones.

Rappelons également qu’un neurone est composé de quatre éléments principaux, comme nous le montre l’image numéro 2. On trouve le corps cellulaire, l’axone (« voie de communication » principale des influx nerveux), les dendrites (« voie de communication » secondaire des influx nerveux) et l’arborisation terminale avec les synapses (zone de passage des neurotransmetteurs entre le bouton neuronal d’un premier neurone et le corps cellulaire d’un second neurone).


Image 2


Au cours de la maturation cérébrale (et notamment dans les premiers âges), le nombre de neurones croît de manière exponentielle. Il en est de même pour les dendrites et les boutons neuronaux, extrémités de l’arborisation terminale. Ainsi, à la manière d’un arbre qui pousse, l’axone (le tronc) voit son arborisation terminale (les branches) foisonner et son nombre de boutons neuronaux (les feuilles) croître de façon importante.

Lorsqu’on stimule le cerveau d’un enfant, par le jeu par exemple, une (ou plusieurs) région du cerveau « s’allume ». Les influx nerveux parcourent un ensemble d’axones de manière à faire communiquer entre eux un groupe de neurones. S’il n’y a pas de stimulation, les neurones « meurent ». Plus on varie les stimulations faites à l’enfant et plus des régions diverses du cerveau s’activent. Aussi, plus on active un même groupe de neurones, plus la route de l’information entre les cellules nerveuses est bonne (automatisation, réactivation rapide de souvenirs, etc.).

Tout se passe en fait comme lorsqu’on fait des chemins dans un champ. Imaginons un champ de hautes herbes. Si aucun passage n’est fait, aucun chemin n’apparaît. Le champ reste vierge. Par contre, si on emprunte une première fois un chemin, une faible trace apparait (l’herbe est couchée) et il devient un passage en devenir. Plus on parcourt le champ de long en large, plus on s’offre de possibilités de créer une multitude de passages. Aussi, plus on emprunte un même passage plus il est apparent et plus il est facile de le retrouver.

Si l’on revient à l’image numéro 1, on observe trois courbes. La courbe bleue représente le développement de la zone sensori-motrice, la courbe verte représente le développement des lobes temporaux et pariétal et la courbe rouge représente le développement du lobe pré-frontal. Ces zones du cerveau sont localisées sur l’image numéro 3. Il est important de noter que les trois courbes commencent à un âge négatif, c’est-à-dire à un âge fœtal (on conçoit aisément que le développement du cerveau commence in-utéro). On constate également que les trois courbes atteignent leur maximum (le pic de développement) avant quatre ans. Cela veut donc dire que le maximum des potentialités apparaît avant quatre ans.


Image 3


Concentrons-nous sur la courbe rouge, celle qui concerne le lobe pré-frontal. Cette zone intéresse l’éducateur au plus au point puisque c’est cette partie du cortex cérébral qui est responsable notamment des fonctions cognitives dites supérieures : langage (en partie), mémoire de travail, « raisonnement », « décision », etc.

De tout ce qui vient d’être dit et montré, nous pouvons alors mettre en évidence l’importance d’une stimulation intellectuelle précoce chez l’enfant. En effet, ne pas offrir d’environnement stimulant à un jeune dans les premiers âges de sa vie conduit à ne pas favoriser le développement neuronal de son lobe pré-frontal. A l’inverse, proposer des expériences riches à un enfant dans sa période préscolaire le conduit à développer ou amorcer le développement des fonctions cognitives dites « nobles » (langage, raisonnement, etc.). La différence, tellement importante quelque fois, qui existe entre deux jeunes élèves s’est donc essentiellement faite ici.

Il est important de signaler que l’environnement stimulant n’est pas corrélé au niveau social dont est issu le jeune. En d’autres termes, il n’est pas besoin d’être riche pour offrir un environnement stimulant à son enfant. Des gestes simples suffisent : lui parler comme il faut, le reprendre systématiquement quand il commet une erreur, lui lire des histoires, enrichir son vocabulaire, jouer à des jeux sociétés et/ou de réflexion, l’emmener en forêt, l’emmener dans des musées (gratuits le dimanche et ayant souvent des « coins » conçus spécialement pour les enfants), étancher sa soif de curiosité (naturelle), etc. Vous l’aurez compris, offrir un environnement stimulant à son enfant ne va pas de pair avec le fait de le laisser s’autogérer et/ou de le scolariser tardivement (vers  6 ans seulement).

Il s’agit de constats de bon sens qu’il me semblait bon de rappeler et qui reçoivent là un appui scientifique. De ce fait, l’échec scolaire ne pourra jamais être « éradiqué » par l’Ecole seule si, avant sa scolarité, l’enfant n’a pas reçu une éducation favorable. Je terminerai en insistant sur le fait que l’Ecole n’est ainsi pas le lieu de la « reproduction des inégalités sociales » mais de la non résorption des inégalités liées aux différents environnements culturels des enfants.


mercredi 18 juillet 2012

La Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant



I.   La pédagogie de maîtrise (pédagogie par objectifs)

Postulat : "Dans les conditions appropriées d'enseignement, presque tous les élèves (95%) peuvent maîtriser la matière enseignée."

Idées forces :
  • la clarté des objectifs : précis et accessibles
  • le renforcement de l'effort et du travail
  • la variété des supports didactiques
  • le dépistage rapide et non sanctionné (formatif) des lacunes ou des difficultés, suivi d'une remédiation
  • une évaluation critérielle et non comparative
  • du temps pour apprendre, avec une aide appropriée : intervenants supplémentaires
  • les trois étapes d'une séquence : enseigner – évaluer – remédier
  • le noyau réside dans le feedback fourni par l'évaluation formative et dans les activités de remédiation qui en découlent.
* La pédagogie de maîtrise, d'origine américaine et par ailleurs soucieuse de "rendement",  est encore souvent victime de sentiments anti-américains sommaires qui sévissent dans l'opinion et de la connaissance non moins sommaire que l'on a de ses principes.

II.   Les corrections apportées par la PM "élargie" 

(Faculté des Sciences de l'Education de Genève)

Les héritiers de PIAGET qui ont fait une critique constructiviste des travaux américains (Projet Rapsodie) suggèrent, sans avoir pu tout à fait concrétiser, de :
  • Moins chercher à définir des actions de remédiation que de construire un contexte d'auto-apprentissage;
  • Intégrer des éléments du travail préceptoral (régulation interactive maître-élève) ;
  • Organiser l'enseignement pour obtenir une pleine utilisation du temps;
  • Susciter l'engagement des élèves;
  • Prendre en compte les rythmes pour les optimiser ?
  • Déléguer partiellement l'évaluation à l'élève : l'évaluation formatrice (d'où l'importance de bien définir les objectifs).
  • Mettre en place un processus de régulation dans une conception constructiviste de l'apprentissage.
  • Recourir à d'autres éclairages théoriques, à d'autres expériences, pour pouvoir "passer à l'acte" (Hubaerman) 
* Il est significatif que les travaux de Bloom - bien que d'inspiration behavioriste - aient donné lieu ici ou là à d'autres essais de prolongements ou d'élargissement, y compris dans le camp des constructivistes. Les travaux de l'équipe genevoise, qui relèvent d'une approche rigoureuse, ne semblent cependant pas avoir reçu l'attention qu'ils auraient méritée. 

III.   La Pédagogie de Maîtrise "à effet vicariant" 

(Circonscription de Nouméa 3 : années 1990-1996, puis circonscription "virtuelle" élargie grâce au Web)

La "Pédagogie de Maîtrise à effet vicariant" s'inscrit dans la continuité des travaux précédents. Sa dénomination a pu être critiquée, mais elle permettait de rendre compte scrupuleusement de ses origines, du croisement opéré entre les travaux de chercheurs reconnus et l'intuition fructueuse d'un psychologue non moins réputé.
La nécessité d'intégrer nouveaux apports théoriques pouvait suggérer l'exploration d'une piste ouverte par Maurice REUCHLIN, en référence probable aux travaux d'Albert BANDURA, inventeur du concept d'apprentissage vicariant.

Réhabiliter l'apprentissage vicariant,
(hypothéqué par sa parenté avec le "copiage")
et l'adapter à des fins scolaires


Initialement conçue et expérimentée en Nouvelle Calédonie dans le cadre de la "réforme des cycles" mais aujourd'hui plus largement répandue et confortée grâce à sa diffusion par Internet, cette approche reprend les postulats et caractéristiques précédemment évoqués, mais elle vise à définir un mode d'action immédiat, utilisable dans les conditions de fonctionnement actuelles de l'école, avec le souci d'apporter une réponse "intégréequi ne soit pas seulement une somme de petites modifications.

Constats et postulats

1. Postulat de l'Educabilité Cognitive
·      Constate que la qualité majeure du "bon élève" est son aptitude à savoir se situer, à savoir où il en est de ses apprentissages et de ses ignorances
·      Postule que cette aptitude peut être développée et doit devenir la priorité de l'école

2. Postulat politico - épistémologique
·  Constate que les difficultés actuelles de l'école sont apparues avec la prolongation de la scolarité obligatoire, et que l'on a incriminé alors l'impréparation du collège de façon un peu exclusive
·    Postule que la genèse du problème est plus complexe, que les difficultés actuelles de l'école et des élèves sont moins conjoncturelles que structurelles, comme si elles avaient été inscrites dès l'origine dans la conception même de l'école;

3. Postulat éthique et pédagogique
·   Constate que "éduquer" et "instruire" peuvent présenter des rapports conflictuels, qu'un souci d'évaluation légitime mais dévoyé peut faire obstacle à la communication entre élèves, y compris la communication d'apprentissage, perturbant les processus naturels d'apprentissage et générant à terme échec et violence;
·    Postule que l'on peut redresser cette anomalie en réorganisant la classe autour du concept clé d'apprentissage originel, ou vicariant, pour permettre aux "novices" des prises de repères sur les "experts", et développer par là des échanges langagiers à tendance parfois métacognitive entre les divers acteurs de la classe;
·    Constate in fine que la réhabilitation de ce mode d'apprentissage originel apporte au plan pratique une amélioration quasi instantanée et significative du fonctionnement de la classe tout en permettant à l'école, au plan théorique, d'être plus en phase avec l'apport du cognitivisme et de pouvoir ainsi aborder la réflexion pédagogique avec plus d'efficacité.

Idées forces

Une réforme ne peut réussir que si les acteurs et les utilisateurs du système y trouvent leur compte. La perspective sera donc résolument "ergonomique", centrée sur le "rendement" et le "confort" des acteurs, tant sur le poste "élève" que sur le poste "enseignant".

Permettre aux élèves de travailler selon leurs rythmes et possibilités et aux maîtres d'observer et de comprendre ce qui se passe dans les apprentissages (I.O. 1989)

Mais cela en conservant 
un regard critique sur les problèmes de rythme, 
en se gardant de sous-estimer les potentialités des élèves 
et en travaillant à les révéler.


·   favoriser la lisibilité des comportements et procédures utilisées par les experts
· privilégier les initiatives d'appropriation – apprentissage - questionnement au détriment du monitorat - enseignement impositif
·   dans le cadre d'un programme de travail strictement défini et imposé, laisser l'élève choisir le moment d'aborder sa tâche pour l'inciter à l'analyser, le placer quotidiennement, dans un contexte sécurisé, en situation d'entraînement à l'analyse
·       lui fournir quotidiennement des indices lui permettant de réactiver ce travail d'analyse, en considérant que l'aptitude à l'auto-évaluation est la caractéristique essentielle du "bon élève"
·       créer un besoin d'écoute, de questionnement, d'échanges
·  insérer la classe dans un contexte d'ordre négociable favorisant le raisonnement hypothético-déductif
·  importance du travail écrit s'alimentant des échanges verbaux quotidiens pour les alimenter à son tour

Remarque : les apports de Freinet

Si le fonctionnement de la classe "PMEV" rappelle à certains égards celui de la pédagogie Freinet, il s'en distingue cependant sur certains points, modifiant ou renforçant quelques unes de ses caractéristiques les plus courantes pour concrétiser ses propres idées forces.

·      le respect de la personne de l'enfant, de son vécu, de sa parole, en prenant en compte les exigences de l'environnement actuel;
·   le respect des principes d'entraide et de coopération, mis au service de l'effort et du développement personnel;
·      la mise en place d'un lieu de parole, d'écoute et d'échanges, mais avec une fréquence sensiblement accrue car centré plus systématiquement sur la gestion des apprentissages(bilan) plutôt que sur la vie de la classe (les problèmes justifiant un débat sur la vie de la classe étant souvent générés par les tensions résultant des difficultés d'apprentissage).
·    redonner du sens aux apprentissages et laisser beaucoup de temps au travail personnel et soutenu;
·   organiser son travail à l'aide d'un plan et le gérer, mais sur la base du programme commun de la classe : pas de plan individualisé, sauf exception, mais une progression individualisée et étayée ;
·      l'entraînement quotidien à l'écriture, mais sans recours systématique à la publication, dans une perspective de reconnaissance et de gratification immédiate;
·    la possibilité de choisir son travail, ou plutôt de choisir le moment de l'effectuer, car il est nécessaire d'apprendre à analyser pour pouvoir choisir et devenir capable d'auto-évaluation;
·      le plan de travail, non négociable à l'origine mais portant sur une durée plus longue pour améliorer les possibilités d'étayage et de travail personnel (3 semaines en moyenne).

* L'appellation de PMEV, souvent mise en cause pour éluder les débats de fond, répond au besoin élémentaire de se situer avec précision dans le maquis des courants pédagogiques. Elle s'imposait par le croisement des deux apports qui ont permis son apparition : le courant "mastery learning" (PM) et le courant "vicariance" (EV).

* La dimension "ergonomique" de la PMEV n'est pas étrangère à son succès, mais la définition extensive du terme "ergonomie", qui fait notamment référence aux idées de "confort" et de "rendement",  peut elle aussi prêter à des critiques faciles.

* Le modèle des "processus vicariants" (M. REUCHLIN), qui n'est pas directement  en cause dans la genèse de la PMEV, peut conduire à une certaine mise en cause des idées reçues sur la différenciation  pédagogique .


Source : pmev.lagoon.nc


jeudi 12 juillet 2012

Jeux et apprentissage dans les mondes numériques


Au regard du développement important et rapide des jeux vidéo et du questionnement qu’ils suscitent parmi la communauté éducative, plusieurs chercheurs, jeunes ou expérimentés, ont mis en commun leurs réflexions. Issus de part et d’autre de l’Atlantique, ces chercheurs francophones se sont réunis pour un colloque qui s’est déroulé à Montréal dans le cadre des conférences de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) en mai 2010. Cette conférence, reconduite en 2011, a donné lieu à des présentations de travaux très variés et de grande qualité sur le thème général des jeux et de l’apprentissage, et en particulier sur le thème des jeux sérieux, c’est-à-dire des jeux assurant une certaine compétition intellectuelle contre un ordinateur dans un but éducatif (Zyda, Mayberry, McCree & Davis, 2005). Ce numéro spécial de la Revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie est le fruit de cette rencontre. Il reprend les meilleures présentations et témoigne ainsi de la naissance d’une communauté de recherche francophone sur les jeux et les apprentissages dans les mondes numériques. Avant de synthétiser les recherches des auteurs impliqués dans ce projet, nous voudrions esquisser brièvement les principales problématiques qui ont conduit à la rencontre de 2010. Enfin, la conclusion proposera une mise en perspective du sujet en intégrant quelques réflexions issues des différents travaux repris dans ce numéro spécial.




lundi 9 juillet 2012

L'humilité est une intelligence !



Extrait de Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder

[…] C’est important pour la suite du cours que tu saisisses bien la différence qui existe entre un sophiste et un philosophe. Les sophistes acceptaient de l’argent en échange de leurs commentaires plus ou moins subtils, et de tels sophistes ont existé de tout temps. Je pense notamment à tous ces professeurs et autres donneurs de leçons qui sont soit parfaitement satisfaits du peu qu’ils savent, soit se vantent de connaître un tas de choses dont ils n’ont en réalité pas la moindre idée. Tu as certainement dû déjà rencontrer quelques-uns de ces sophistes dans ta jeune vie … Un vrai philosophe, Sophie, c’est tout à fait autre chose, c’est en fait tout le contraire. Un philosophe est conscient qu’il sait au fond fort peu. C’est la raison pour laquelle il essaie sans cesse d’atteindre la vraie connaissance. Socrate était un de ces êtres exceptionnels. Il était « conscient » qu’il ne savait rien de la vie et du monde. Et, avant tout, il souffrait de cette ignorance.
            Un philosophe est donc quelqu’un qui reconnait comprendre fort peu de choses et qui en souffre. Vu sous cet angle, il fait davantage preuve d’intelligence que ceux qui se vantent de tout connaître. La plus intelligente est celle qui sait qu’elle ne sait pas, t’ai-je déjà dit. Socrate, lui, affirma qu’il ne savait qu’une chose : qu’il ne savait rien. Retiens bien cette formule, car cet aveu est rare même chez les philosophes. C’est d’ailleurs même si dangereux de le déclarer publiquement que tu peux le payer de ta vie. Ce sont toujours ceux qui posent des questions qui sont les plus dangereux. Répondre, ce n’est pas si compromettant. Une seule question peut être plus explosive que mille réponses.


jeudi 5 juillet 2012

Jeux violents : un espace de médiation



Par Patrick Schmoll

Contrairement à une opinion fort répandue les jeux vidéo en général ne renforcent pas les conduites violentes ni l'inadaptation scolaire. Certains de ces jeux peuvent même étayer pour certains jeunes, à travers une mobilisation de l'imaginaire proche des jeux de rôle, une forme de médiation entre pairs qui partagent un même espace virtuel et parfois bien réel.

Le 2 avril 2002 à Erfurt en Allemagne, un jeune homme de 19 ans fait irruption dans une salle de classe du lycée Gutenberg où se déroulent des épreuves. Armé d'un fusil à pompe et d'un pistolet, il fait feu, tuant seize personnes avant de se donner la mort. Exclu de l'établissement depuis un an, il était en situation d'échec scolaire, mais avait selon ses proches une conduite normale dans la vie courante. Il était inscrit dans deux clubs de tir et était un joueur assidu de Counterstrike, un jeu vidéo à contenu violent. L'événement relance en Allemagne, mais également dans d'autres pays européens, la polémique sur les effets délétères des jeux vidéo. En France, la tuerie d'Erfurt fait écho à celle de Nanterre survenue le mois précédent, mais Richard Durn, également passionné d'armes à feu, ne jouait pas aux jeux vidéo.

La question n'est pas nouvelle, elle est posée depuis longtemps par le spectacle de la violence à la télévision. La réception quotidienne de photos et de films violents finit par induire chez le spectateur une forme de clivage de la réalité : la mort et la souffrance d'autrui ne coupent plus l'appétit à l'heure du repas. Ce clivage induirait une déréalisation de la violence. Dans les jeux vidéo, éclater à coup de mortier ou de barre à mine le personnage d'un adversaire procure généralement un sentiment de plaisir non dissimulé, alors qu'a contrario la mort de son propre personnage n'est pas vécue physiquement comme telle : on ne meurt pas réellement, et on n'a même pas mal. La destruction de l'image de l'adversaire, même réaliste, à la limite du film reproduisant l'événement, ne signifie donc pas que l'adversaire meurt "pour de vrai". C'est cette même virtualisation de la violence qui est utilisée pour l'entraînement des militaires : elle leur permet par la suite d'asséner la mort comme dans un programme d'entraînement, et en fait comme dans un jeu vidéo, surtout si l'adversaire n'est pas en contact direct. On peut donc en déduire que les jeux vidéo sont l'équivalent de programmes d'entraînement à une violence insensible. Le débat n'est pas simple, car il n'y a jamais une explication unique d'un fait de violence. Après la tuerie d'Erfurt, les éditeurs de jeux ont réagi à l'amalgame : le site allemand de Quatre affichait ironiquement "90% des auteurs d'attentats ont mangé du pain dans les 24 heures précédant leur crime. Interdisons le pain !".

L'EXPÉRIENCE CATHARTIQUEDE LA VIOLENCE

Un état (Nachez & Schmoll, à paraître) des enquêtes qui ont été conduites en France et aux États-Unis sur la pratique des jeux vidéo montre que rien ne permet d'établir que ces jeux, même ceux à contenus violents, ont une influence négative sur le comportement des joueurs dans la vie réelle. Pour celles de ces études qui s'intéressent aux répercussions éducationnelles de ces pratiques, les "bons élèves" paraissent même dans certaines enquêtes être plus nombreux à jouer aux jeux vidéo (tous styles confondus) que ceux ayant de mauvais résultats scolaires (mais ils jouent aussi moins longtemps qu'eux). Un tiers des gros joueurs sont d'excellents élèves et cela ne perturbe pas leurs résultats scolaires. Une partie seulement des jeux pratiqués par les jeunes sont des jeux violents : de 15% à 25% selon les études. La "consommation" de jeux violents ne représente donc qu'une partie de leurs activités ludiques.

La scénographie sanguinaire de certains jeux a une portée ambiguë. Pouvoir exploser à coup de mortier des adversaires dont les tripes vont se scotcher aux murs environnants, réduit certes la figure de l'autre à un objet de satisfaction de pulsions peu élaborées. Mais le réalisme des images est une condition de l'intérêt du jeu à cet égard : il permet la mise en scène et l'expression de ces pulsions, dont on peut se demander quelle serait autrement l'issue dans la réalité si elles n'avaient pas cette possibilité d'être contenues dans une arène virtuelle, le temps délimité d'une compétition. Le joueur se défoule dans le jeu, il retrouve tonus et confiance en soi après une journée ratée, il rejoue frustrations, anxiétés et colères autrement. Les joueurs interrogés dans les enquêtes font la différence entre le jeu et la réalité, mais il existe une interaction entre les deux : le jeu permet de relativiser la réalité. Et cette relativisation n'est possible que parce que le jeu ressemble  à la réalité. Plus intéressant est l'aspect positif pointé très régulièrement par ces études : le jeu vidéo est un facteur d'intégration sociale et d'échanges car  on ne joue que si l'on peut en parler avec des copains et/ou jouer avec les parents, et cela dès un âge précoce. Les jeux, mêmes violents, sont l'opportunité d'une sociabilité qui se développe en marge d'eux : les joueurs expérimentés aident les nouveaux, leur donnent des tuyaux. Le temps consacré à parler des jeux est aussi important que celui consacré à y jouer. Avec le développement des jeux en réseau local et en ligne sur Internet, des groupes se forment autour d'une pratique de compétition. Les adolescents se réunissent à dix ou vingt pour un week-end chez l'un d'eux ou dans un local emprunté ou loué pour l'occasion, chacun apportant son ordinateur, un sac de couchage et des provisions, dans la perspective d'un tournoi qui durera toute l'après-midi et la plus grande partie de la nuit. On ne se bat que dans l'arène virtuelle, on s'insulte copieusement mais dans une atmosphère amicale où tel est l'usage, ponctué par les rires.

Cette sociabilité donne lieu, dans ses  formes les plus organisées, à la formation d'équipes qui s'affrontent à l'occasion de tournois nationaux et internationaux réunissant des milliers de participants. Des clans affichent sur des sites Internet les valeurs viriles aux noms desquelles leurs membres sont allés au combat, ont remporté la victoire, ou se sont fait éclater en menus morceaux par des adversaires dont la renommée satisfait à l'honneur d'avoir pu au moins les affronter. Il est exceptionnel que les limites de la fiction soient perdues de vue : le joueur qui devient injurieux, comme le tricheur, sont rappelés à l'ordre ou exclus et déconsidérés. Le jeu est donc bien l'espace d'un apprentissage de la socialité.