Extrait de Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder
[…] C’est
important pour la suite du cours que tu saisisses bien la différence qui existe
entre un sophiste et un philosophe. Les sophistes acceptaient de l’argent en
échange de leurs commentaires plus ou moins subtils, et de tels sophistes ont
existé de tout temps. Je pense notamment à tous ces professeurs et autres
donneurs de leçons qui sont soit parfaitement satisfaits du peu qu’ils savent,
soit se vantent de connaître un tas de choses dont ils n’ont en réalité pas la
moindre idée. Tu as certainement dû déjà rencontrer quelques-uns de ces
sophistes dans ta jeune vie … Un vrai philosophe,
Sophie, c’est tout à fait autre chose, c’est en fait tout le contraire. Un
philosophe est conscient qu’il sait au fond fort peu. C’est la raison pour
laquelle il essaie sans cesse d’atteindre la vraie connaissance. Socrate était
un de ces êtres exceptionnels. Il était « conscient » qu’il ne savait
rien de la vie et du monde. Et, avant tout, il souffrait de cette ignorance.
Un
philosophe est donc quelqu’un qui reconnait comprendre fort peu de choses et
qui en souffre. Vu sous cet angle, il fait davantage preuve d’intelligence que
ceux qui se vantent de tout connaître. La
plus intelligente est celle qui sait qu’elle ne sait pas, t’ai-je déjà dit.
Socrate, lui, affirma qu’il ne savait qu’une chose : qu’il ne savait rien.
Retiens bien cette formule, car cet aveu est rare même chez les philosophes. C’est
d’ailleurs même si dangereux de le déclarer publiquement que tu peux le payer
de ta vie. Ce sont toujours ceux qui posent
des questions qui sont les plus dangereux. Répondre, ce n’est pas si
compromettant. Une seule question peut être plus explosive que mille réponses.
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