Chaque
enfant qui entre à l’Ecole est différent de par son histoire personnelle, de
par ses passions, ses loisirs, de par ses points forts, ses points faibles, de
par ses capacités cognitives. L’enjeu de l’Ecole est ainsi de gérer cette hétérogénéité,
de permettre à chacun, aussi différent soit-il, de réussir. Cependant, force
est de constater que, malgré les nombreux efforts mis en place chaque année par
les enseignants dans leur(s) classe(s), les résultats ne sont pas toujours à la
hauteur des attentes.
Un outil permettant la prise en compte de
toutes ces différences inhérentes à chacun se nomme la différenciation
pédagogique. Selon Philippe Perrenoud[1],
« différencier, c'est rompre avec la pédagogie frontale, la même leçon, les
mêmes exercices pour tous ; c'est surtout mettre en place une organisation du
travail et des dispositifs qui placent régulièrement chacun, chacune dans une
situation optimale. Cette organisation consiste à utiliser toutes les
ressources disponibles, à jouer sur tous les paramètres, pour organiser les
activités de telle sorte que chaque élève soit constamment ou du moins très
souvent confronté aux situations didactiques les plus fécondes pour lui. » Cela
se traduit souvent dans la classe par une adaptation du travail demandé en
fonction des rythmes de chaque élève. Par exemple, un enfant qui s’avère être
plus lent à écrire que le reste de la classe (pour des raisons qui peuvent d’ailleurs
être médicales) pourra se voir dispensé d’écrire les consignes des exercices
afin de conserver son « énergie cognitive » pour la résolution de la
tâche principale demandée (celle qui fait l’objet de la compétence en cours
d’apprentissage). On pourra également jouer sur le rythme d’acquisition des
compétences. Ainsi, un élève ayant des difficultés à mémoriser ses tables de
multiplication pourra garder près de lui un tableau récapitulant lesdites
tables lorsqu’il effectuera une multiplication posée. Cela lui permettra de
mobiliser ses efforts sur la seule technique opératoire sans risquer d’être
parasité (conflit cognitif) par un élément externe (le fait, dans le cas évoqué,
qu’il ne sache pas encore ses tables). Il pourra donc acquérir la procédure de
la technique opératoire puis remédier à son retard de mémorisation des tables
de multiplication parallèlement à cela (à un autre moment de la journée). Ces
deux exemples montrent bien l’apport de la différenciation pédagogique dans
l’enseignement.
Cependant, les différences inhérentes à
chacun ne sont pas toujours seulement liées aux rythmes de travail et
d’acquisition des savoirs de chaque élève. Certaines différences qui existent
entre les individus sont directement corrélées aux stratégies qu’ils mettent en
œuvre afin d’appréhender les savoirs. Depuis les travaux d’Howard Gardner[2],
nous savons que l’intelligence n’est pas quelque chose de fixe, d’unique mais
qui se trouve prendre différentes « formes » selon les personnes. Le
psychologue américain a ainsi élaboré une théorie qui recense pas moins de 8
intelligences spécifiques :
-
L'intelligence corporelle / kinesthésique : c'est la capacité
à utiliser son corps d'une manière fine et élaborée, à s'exprimer à travers le
mouvement, à être habile avec les objets.
-
L'intelligence interpersonnelle : c'est la capacité d'entrer
en relation avec les autres.
-
L'intelligence intrapersonnelle : c'est la capacité à avoir
une bonne connaissance de soi-même.
-
L'intelligence logique-mathématique : c'est la capacité à
raisonner, à compter et à calculer, à tenir un raisonnement logique. C'est
cette forme d'intelligence qui est évaluée dans les tests dits de « Quotient Intellectuel
».
-
L'intelligence musicale / rythmique : c'est la capacité à
percevoir les structures rythmiques, sonores et musicales.
-
L'intelligence naturaliste : c'est la capacité à observer la
nature sous toutes ses formes, la capacité à reconnaître et classifier des
formes et des structures dans la nature.
-
L'intelligence verbale-linguistique : c'est la capacité à
percevoir les structures linguistiques sous toutes leurs formes.
-
L'intelligence visuelle / spatiale : c'est la capacité à
créer des images mentales et à percevoir le monde visible avec précision dans
ses trois dimensions.
Dans ce sens, chaque intelligence se trouve
plus ou moins développée selon les individus ce qui crée au final une
intelligence globale très différente d’un individu à un autre. On perçoit ici
qu’il va donc devenir plus difficile de prendre en compte ces diverses formes
d’intelligences s’exprimant chez les apprenants que de prendre en compte les
seuls rythmes d’acquisition.
C’est pour cette raison que l’attention des
chercheurs et de certains enseignants se tourne de plus en plus vers un autre
outil qui pourrait être une clé (parmi d’autres, bien sûr) à ce problème de
prise en compte des différences d’intelligence inhérentes à chacun. Il s’agit
du jeu électronique (jeu vidéo ou jeu sérieux[3]).
Tout d’abord, il est important de signaler que, contrairement aux idées reçues,
le jeu vidéo n’est pas cet objet pathogène et bêtifiant que certains
psychologues et journalistes veulent en permanence nous vendre[4].
De plus, selon des études de plus en plus nombreuses, il semblerait que les
jeux vidéo possèdent un véritable potentiel motivationnel, cognitif et éducatif[5].
Enfin, faisant partie de la culture des jeunes d’aujourd’hui, intégrer l’objet
vidéoludique dans les apprentissages serait une manière de contribuer à
refermer en partie la fracture qui existe entre l’École et son public[6].
La question que l’on se pose devient
alors : en quoi le jeu vidéo peut-il être un outil d’enseignement
pertinent ? Tout simplement par le fait qu’il va permettre de faire passer les
apprentissages par de nouveaux canaux favorisant, faisant écho à des formes
d’intelligences qui n’étaient pas ou peu sollicitées auparavant. Avec le
développement des jeux sérieux et des travaux[7]
sur le détournement des jeux vidéo afin d’en faire un objet d’apprentissage, il
existe de plus en plus de jeux qui permettent aux élèves d’aborder un nouveau savoir
par différents chemins. Il est désormais possible d’utiliser des jeux qui
permettent de visualiser des notions plus abstraites ce qui rend les détenteurs
d’une intelligence visuo-spatiale plus réceptif. De même, la mise en musique de
certains apprentissages permet aux apprenants dont l’intelligence est
musico-rythmique d’être mieux réceptifs aux notions abordées. Il existe de
nombreux exemples de ce genre et le perfectionnement des consoles de jeu va
accroître l’efficacité de cet outil d’apprentissage. L’un des développements
les plus intéressants est celui de la réalité virtuelle[8]
qui permet de manipuler (intelligence kinesthésique) certains concepts en temps
réel. Bien sûr, il n’est pas question ici de faire de la classe un lieu
purement ludique et de remplacer tous les outils déjà existant par l’objet
vidéoludique. Cependant, on pourrait concevoir des classes organisées sous
forme d’ateliers (cela se fait déjà en maternelle ou par les enseignants utilisant
la Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant[9])
dans lesquelles pour une même notion chaque enfant pourrait apprendre avec un
support différent : le manuel, jeux vidéo, etc.
[2] Gardner Howard, Les formes de l'intelligence, Paris, Éditions Odile Jacob, 1997.
[3] Ou
serious game : “application informatique, dont l’objectif est de combiner
à la fois des aspects sérieux (Serious) tels, de manière
non exhaustive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information,
avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (Game)” (c.f. ALVAREZ Julian, Du jeu vidéo au serious game, Approches
culturelle, pragmatique et formelle, Thèse, Toulouse, 2007, p. 9.)
[4] Enseigner
avec le jeu vidéo : aspects psychologiques : http://jtresse-psy.blogspot.fr/p/enseigner-avec-le-jeu-video-aspects_15.html
[5] Enseigner
avec le jeu vidéo : aspects pédagogiques : http://jtresse-psy.blogspot.fr/p/enseigner-avec-le-jeu-video-aspects_15.html
[7]
Enseigner avec les jeux vidéo (dossiers) : http://jtresse-psy.blogspot.fr/p/enseigner-avec-le-jeu-video.html
[8] Réalité
augmentée et interactivité : vecteurs de révolution pédagogique ? : http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/realite-augmentee-et-interactivite
Bonjour. Merci à vous pour le partage de cette mise en perspective intéressante. Je suis préfet des études dans un collège de Roubaix, où nous développons un projet, soutenu par l'Académie de Lille, autour des Intelligences Multiples. Ainsi pour impulser, accompagner et développer une réflexion sur les Intelligences Multiples, j'ai engagé un travail de curation dans ce domaine :
RépondreSupprimerhttp://www.scoop.it/t/intelligences-multiples
qui vient également en complément de mon action de formateur.
Cordialement
Lucas Gruez